Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/480

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Alors, l’étonnement de l’infortuné se changea en une vague et indicible épouvante.

D’un seul effort de réflexion, il s’énuméra tous les malheurs qui pouvaient l’atteindre.

— Qu’est-il donc arrivé ? fit-il d’une voix étouffée ; mon père est sauvé, n’est-ce pas ?… Ma mère n’aurait rien à souhaiter, m’avez-vous dit, si j’étais près d’elle… C’est donc Marie-Anne !…

Il hésitait.

— Du courage, Maurice, murmura l’abbé Midon, du courage !

Le malheureux chancela, plus blanc que le mur de plâtre contre lequel il s’appuya.

— Marie-Anne est morte ! s’écria-t-il.

Jean Lacheneur et le prêtre gardèrent le silence.

— Morte ! répéta-t-il, et pas une voix au dedans de moi-même ne m’a prévenu… Morte !… quand ?

— Cette nuit même, répondit Jean.

Maurice se redressa, tout frémissant d’un espoir suprême.

— Cette nuit même, fit-il… mais alors… elle est ici, encore ! Où ?… là haut…

Et sans attendre une réponse, il s’élança vers l’escalier, si rapidement que ni Jean ni l’abbé Midon n’eurent le temps de le retenir.

En trois bonds il fut à la chambre, il marcha droit au lit et, d’une main ferme, il écarta le drap qui recouvrait le visage de la morte.

Mais il recula en jetant un cri terrible…

Était-ce là, vraiment, cette belle, cette radieuse Marie-Anne, qui l’avait aimé jusqu’à l’abandon de soi-même !… Il ne la reconnaissait pas.

Il ne pouvait reconnaître ces traits, dévastés et crispés par l’agonie, ce visage gonflé et bleui par le poison ; ces yeux, qui disparaissaient presque sous une bouffissure sanguinolente…

Quand Jean Lacheneur et le prêtre arrivèrent près de lui, ils le trouvèrent debout, le buste rejeté en arrière,