Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/483

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Maurice, et qu’elle a eu un enfant de lui. C’est donc vrai ?… Je ne voulais pas, je ne pouvais pas le croire !… Elle que je vénérais à l’égal d’une sainte !… Son front si pur et ses chastes regards mentaient. Et lui, Maurice, qui était mon ami, qui était comme le fils de notre maison !… Son amitié n’était qu’un masque qu’il prenait pour nous voler plus sûrement notre honneur !…

Il parlait, les dents serrées par la colère, si bas, que Maurice ne pouvait l’entendre.

— Mais comment a-t-elle donc fait, poursuivait-il, pour cacher sa grossesse… Personne dans le pays ne l’a soupçonnée, personne absolument. Et après ? qu’a-t-elle fait de l’enfant ?… Aurait-elle été prise de l’effroi de la honte, de ce vertige qui pousse au crime les pauvres filles séduites et abandonnées… Aurait-elle tué son enfant ?…

Un sourire sinistre effleurait ses lèvres minces.

— Si l’enfant vit, ajouta-t-il, comme en a parte, je saurai bien le découvrir où qu’il soit, et Maurice sera puni de son infamie…

Il s’interrompit ; le galop de deux chevaux, sur la grande route, attirait son attention et celle de l’abbé Midon.

Ils regardèrent à la fenêtre et virent un cavalier s’arrêter devant le petit sentier, descendre de cheval, jeter la bride à son domestique, à cheval comme lui, et s’avancer vers la Borderie…

À cette vue, Jean Lacheneur eut un véritable rugissement de bête fauve.

— Le marquis de Sairmeuse, hurla-t-il, ici !…

Il bondit jusqu’à Maurice, et le secouant avec une sorte de frénésie :

— Debout !… lui cria-t-il, voilà Martial, l’assassin de Marie-Anne ! debout, il vient, il est à nous !…

Maurice se dressa, ivre de colère, mais l’abbé Midon leur barra le passage.

— Pas un mot, jeunes gens, prononça-t-il, pas une