Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/484

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menace, je vous le défends… respectez au moins cette pauvre morte qui est là !…

Son accent et ses regards avaient une autorité si irrésistible, que Jean et Maurice furent comme changés en statues.

Le prêtre n’eut que le temps de se retourner, Martial arrivait…

Il ne dépassa pas le cadre de la porte, son coup d’œil si pénétrant embrassa la scène, il pâlit extrêmement, mais il n’eut ni un geste, ni une exclamation…

Si grande cependant que fût son étonnante puissance sur soi, il ne put articuler une syllabe, et c’est du doigt qu’il interrogea, montrant Marie-Anne, dont il distinguait la figure convulsée dans l’ombre des rideaux.

— Elle a été lâchement empoisonnée hier soir, prononça l’abbé Midon.

Maurice, oubliant les ordres du prêtre, s’avança…

— Elle était seule, dit-il, et sans défense, je ne suis en liberté que depuis deux jours. Mais je sais le nom de celui qui m’a fait arrêter à Turin et jeter en prison, on me l’a dit !

Instinctivement Martial recula.

— C’est donc toi, misérable !… s’écria Maurice, tu avoues donc ton crime, infâme…

Une fois encore l’abbé intervint ; il se jeta entre ces deux ennemis, persuadé que Martial allait se précipiter sur Maurice.

Point. Le marquis de Sairmeuse avait repris cet air ironique et hautain qui lui était habituel. Il sortit de sa poche une volumineuse enveloppe et la lançant sur la table :

— Voici, dit-il froidement, ce que j’apportais à Mlle Lacheneur. C’est d’abord un sauf-conduit de Sa Majesté pour M. le baron d’Escorval. De ce moment, il peut quitter la ferme de Poignot et rentrer à Escorval, il est libre, il est sauvé ; sa condamnation sera réformée. C’est ensuite un arrêt de non-lieu rendu en faveur de M. l’abbé Midon, et une décision de l’évêque qui le ré-