Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/486

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Mais il était dit que cette nuit-là tante Médie prendrait sa revanche de toutes ses défaillances passées.

À grand’peine tolérée jusqu’alors à Courtomieu, et à quel prix ! elle conquit le droit d’y vivre désormais respectée et même redoutée.

Elle qui s’évanouissait d’ordinaire si un chat du château s’écrasait la patte, elle ne jeta pas un cri.

L’extrême épouvante lui communiqua ce courage désespéré qui enflamme les poltrons poussés à bout. Sa nature moutonnière se révoltant, elle devint comme enragée.

Elle saisit le bras de sa nièce éperdue, et moitié de gré, moitié de force, la traînant, la poussant, la portant parfois, elle la ramena au château de Courtomieu en moins de temps qu’il n’en avait fallu pour aller à la Borderie.

La demie de une heure sonnait comme elles arrivaient à la petite porte du jardin par où elles étaient sorties…

Personne, au château, ne s’était aperçu de leur longue absence… personne absolument.

Cela tenait à diverses circonstances. Aux précautions prises par Mme Blanche, d’abord. Avant de sortir, elle avait défendu qu’on pénétrât chez elle, sous n’importe quel prétexte, tant qu’elle ne sonnerait pas.

En outre, c’était la fête du valet de chambre du marquis ; les domestiques avaient dîné mieux que de coutume ; ils avaient chanté au dessert, et à la fin il s’étaient mis à danser.

Ils dansaient encore à une heure et demie, toutes les portes étaient ouvertes, et ainsi les deux femmes purent se glisser, sans être vues, jusqu’à la chambre de Mme Blanche.

Alors, quand les portes de l’appartement furent bien fermées, lorsqu’il n’y eut plus d’indiscrets à craindre, tante Médie s’avança près de sa nièce.

— M’expliqueras-tu, interrogea-t-elle, ce qui s’est passé à la Borderie, ce que tu as fait ?…