Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/488

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sements pas du tout. Si bornée que fût la tante Médie, elle avait à peu près deviné. Puis, les ignominies qu’elle avait endurées depuis des années avaient éteint en elle tout sentiment généreux, tari les sources de la sensibilité, et détruit tout sens moral.

— Ah ! mon Dieu !… fit-elle d’un ton dolent, c’est terrible… Si on venait à savoir !…

Et elle se mit à pleurer, mais non beaucoup plus que tous les jours pour la moindre des choses.

Mme Blanche respira un peu plus librement. Certes, elle se croyait bien assurée du silence et de l’absolue soumission de la parente pauvre.

C’est pourquoi, tout aussitôt, elle se mit à raconter tous les détails de ce drame effroyable de la Borderie.

Sans doute, elle cédait à ce besoin d’épanchement plus fort que la volonté, qui délie la langue des pires scélérats et qui les force, qui les contraint de parler de leur crime, alors même qu’ils se défient de leur confident.

Mais quand l’empoisonneuse en vint aux preuves qui lui avaient été données que sa haine s’était égarée, elle s’arrêta brusquement.

Ce certificat de mariage, signé du curé de Vigano, qu’en avait-elle fait, qu’était-il devenu ? Elle se rappelait bien qu’elle l’avait tenu entre les mains.

Elle se dressa tout d’une pièce, fouilla dans sa poche et poussa un cri de joie. Elle le tenait, ce certificat ! Elle le jeta dans un tiroir qu’elle ferma à clef.

Il y avait longtemps que tante Médie demandait à gagner sa chambre, mais Mme Blanche la conjura de ne pas s’éloigner. Elle ne voulait pas rester seule, elle n’osait pas, elle avait peur…

Et comme si elle eût espéré étouffer les voix qui s’élevaient en elle et l’épouvantaient, elle parlait avec une extrême volubilité, ne cessant de répéter qu’elle était prête à tout pour expier, et qu’elle allait tenter l’impossible pour retrouver l’enfant de Marie-Anne…

Et certes, la tâche était difficile et périlleuse.