Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/489

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Faire chercher cet enfant ouvertement, n’était-ce pas s’avouer coupable ?… Elle serait donc obligée d’agir secrètement, avec beaucoup de circonspection, et en s’entourant des plus minutieuses précautions.

— Mais je réussirai, disait-elle, je prodiguerai l’argent…

Et se rappelant et son serment, et les menaces de Marie-Anne mourante, elle ajoutait d’une voix étouffée :

— Il faut que je réussisse, d’ailleurs… le pardon est à ce prix… j’ai juré !…

L’étonnement suspendait presque les larmes faciles de tante Médie.

Que sa nièce, les mains chaudes encore du meurtre, pût se posséder ainsi, raisonner, délibérer, faire des projets, cela dépassait son entendement.

— Quel caractère de fer ! pensait-elle.

C’est que, dans son aveuglement imbécile, elle ne remarquait rien de ce qui eût éclairé le plus médiocre observateur.

Mme Blanche était assise sur son lit, les cheveux dénoués, les pommettes enflammées, l’œil brillant de l’éclat du délire, « tremblant la fièvre, » selon l’expression vulgaire.

Et sa parole saccadée, ses gestes désordonnés, décelaient, quoi qu’elle fit, l’égarement de sa pensée et le trouble affreux de son âme…

Et elle discourait, elle discourait, d’une voix tour à tour sourde et stridente, s’exclamant, interrogeant, forçant tante Médie à répondre, essayant enfin de s’étourdir et d’échapper eu quelque sorte à elle-même !

Le jour était venu depuis longtemps, et le château s’emplissait du mouvement des domestiques, que la jeune femme, insensible aux circonstances extérieures, expliquait encore comment elle était sûre d’arriver, avant un an, à rendre à Maurice d’Escorval l’enfant de Marie-Anne…

Tout à coup, cependant, elle s’interrompit au milieu d’une phrase…