Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/491

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où elle était, une inspiration qu’elle jugea divine lui arracha un sourire méchant.

— Eh !… pensa-t-elle, mon trouble ne s’explique-t-il pas tout naturellement… Il peut même me servir…

Et tout en descendant le grand escalier :

— N’importe !… se disait-elle, la présence de Martial est incompréhensible.

Bien extraordinaire, du moins ! Aussi, n’est-ce pas sans de longues hésitations qu’il s’était résigné à cette démarche pénible.

Mais c’était l’unique moyen de se procurer plusieurs pièces importantes, indispensables pour la révision du jugement de M.  d’Escorval.

Ces pièces, après la condamnation du baron, étaient restées entre les mains du marquis de Courtomieu. On ne pouvait les lui redemander maintenant qu’il était frappé d’imbécillité. Force était de s’adresser à sa fille pour obtenir d’elle la permission de chercher parmi les papiers de son père.

C’est pourquoi, le matin, Martial s’était dit :

— Ma foi !… arrive qui plante, je vais porter à Marie-Anne le sauf-conduit du baron, je pousserai ensuite jusqu’à Courtomieu.

Il arrivait tout en joie à la Borderie, palpitant, le cœur gonflé d’espérances… Hélas ! Marie-Anne était morte.

Nul ne soupçonna l’effroyable coup qui atteignait Martial. Sa douleur devait être d’autant plus poignante que l’avant-veille, à la Croix-d’Arcy, il avait lu dans le cœur de la pauvre fille…

Ce fut donc bien son cœur, frémissant de rage, qui lui dicta son serment de vengeance. Sa conscience ne lui criait-elle pas qu’il était pour quelque chose dans ce crime, qu’il en avait à tout le moins facilité l’exécution.

C’est que c’était bien lui qui, abusant des grandes relations de sa famille, avait obtenu l’arrestation de Maurice à Turin.