Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/502

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Ses yeux flamboyaient, elle frappa du pied avec une indicible rage.

— Et je regretterais ce que j’ai fait, s’écria-t-elle… jamais !… non, jamais.

Ce jour-là, en ce moment, elle eût recommencé, elle eût tout bravé…

Mais des transes terribles l’assaillirent quand elle apprit que la justice venait de commencer une enquête.

Il était venu de Montaignac le procureur du roi et un juge qui interrogeaient quantité de témoins, et une douzaine d’hommes de la police se livraient aux plus minutieuses investigations. On parlait même de faire venir de Paris un de ces agents au flair subtil, rompus à déjouer toutes les ruses du crime.

Tante Médie en perdait la tête, et ses frayeurs à certains moments étaient si évidentes que Mme Blanche s’en inquiéta.

— Tu finiras par nous trahir, tante, lui dit-elle.

— Ah !… c’est plus fort que moi.

— Ne sors plus de ta chambre, en ce cas.

— Oui, ce serait plus prudent.

— Tu te diras un peu souffrante, on te servira chez toi.

Le visage de la parente pauvre s’épanouissait.

— C’est cela, approuvait-elle en battant des mains, c’est cela !

Véritablement, elle était ravie.

Être servie chez soi, dans sa chambre, dans son lit le matin, sur une petite table au coin du feu, le soir, cela avait été longtemps le rêve et l’ambition de la parente pauvre. Mais le moyen !… Deux ou trois fois, étant un peu indisposée, elle avait osé demander qu’on lui montât ses repas, mais elle avait été vertement repoussée.

— Si tante Médie a faim, elle descendra se mettre à table avec nous, avait répondu Mme Blanche. Qu’est-ce que ces fantaisies !…

Positivement, c’est ainsi qu’on la traitait, dans ce château où il y avait toujours dix domestiques à bayer aux corneilles.