Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/503

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Tandis que maintenant…

Tous les matins, sur l’ordre formel de Mme Blanche, le cuisinier montait prendre les ordres de tante Médie, et il ne tenait qu’à elle de dicter le menu de la journée, et de se commander les plats qu’elle aimait.

Et la tante Médie trouvait cela excellent d’être ainsi soignée, choyée, mignotée et dorlotée. Elle se délectait dans ce bien-être comme un pauvre diable dans des draps bien blancs, sans être resté des mois sans coucher dans un lit.

Et ces jouissances nouvelles faisaient naître en elle quantité de pensées étranges et lui enlevaient beaucoup des regrets qu’elle avait du crime de la Borderie…

L’enquête cependant était le sujet de toutes ses conversations avec sa nièce. Elles en avaient des nouvelles fort exactes par le sommelier de Courtomieu, grand amateur de choses judiciaires, qui avait trouvé, dans sa cave, le secret de se faufiler parmi les agents venus de Montaignac.

Par lui, elles surent que toutes les charges pesaient sur défunt Chupin. Ne l’avait-on pas aperçu, le soir du crime, rôdant autour de la Borderie ? Le témoignage du jeune paysan qui avait prévenu Jean Lacheneur paraissait décisif.

Quant au mobile de Chupin, on le connaissait, pensait-on. Vingt personnes l’avaient entendu déclarer avec d’affreux jurons qu’il ne serait pas tranquille tant qu’il resterait un Lacheneur sur la terre.

Ainsi, tout ce qui eût dû perdre Mme Blanche la sauva, et la mort du vieux maraudeur lui parut véritablement providentielle.

Pouvait-elle soupçonner que Chupin avait eu le temps de révéler son secret avant de mourir ?…

Le jour où le sommelier lui dit que juges et agents de police venaient de repartir pour Montaignac, elle eut grand peine à dissimuler sa joie.

— Plus rien à craindre, répétait-elle à tante Médie… plus rien !…