Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/508

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sa chambre, elle hasardait toutes sortes de démarches insolites.

S’il venait des visites, au lieu de se tenir modestement à l’écart, elle avançait sa chaise et même se mêlait à la conversation. À table, elle laissait paraître ses dégoûts ou ses préférences. À deux ou trois reprises elle eut une opinion qui n’était pas celle de sa nièce, et il lui arriva de discuter des ordres.

Une fois, Mme Blanche qui sortait, l’ayant priée de l’accompagner, elle se déclara enrhumée et resta au château.

Et le dimanche suivant, Mme Blanche ne voulant pas aller aux vêpres, tante Médie déclara qu’elle irait, et comme il pleuvait, elle demanda qu’on lui attelât une voiture, ce qui fut fait.

Tout cela n’était rien en apparence ; en réalité, c’était monstrueux, inimaginable.

Il était clair que la parente pauvre s’exerçait timidement à l’audace…

Jamais devant elle il n’avait été question de ce départ que sa nièce lui annonçait si gaiement ; elle en parut toute saisie…

— Ah !… vous partez, répétait-elle, vous quittez Courtomieu…

— Et sans regrets…

— Pour où aller, mon Dieu !…

— À Paris… Nous nous y fixons, c’est décidé. Là est la place de mon mari. Son nom, sa fortune, son intelligence, la faveur du roi lui assurent une grande situation. Il va racheter l’hôtel de Sairmeuse et le meubler magnifiquement. Nous aurons un train princier…

Tous les tourments de l’envie se lisaient sur le visage de la parente pauvre.

— Et moi ?… interrogea-t-elle d’un ton plaintif.

— Toi, tante, tu resteras ici ; tu y seras dame et maîtresse. Ne faut-il pas une personne de confiance qui veille sur mon pauvre père !… Hein ! te voilà heureuse et contente, j’espère.