Mais non ; tante Médie ne paraissait point satisfaite.
— Jamais, pleurnicha-t-elle, jamais je n’aurai le courage de rester seule dans ce grand château.
— Eh ! sotte, tu auras près de toi des domestiques, le concierge, les jardiniers…
— N’importe !… j’ai peur des fous… Quand le marquis se met à hurler le soir, il me semble que je deviens folle moi-même.
Mme Blanche haussait les épaules.
— Qu’espérais-tu donc ? interrogea-t-elle, de l’air le plus ironique.
— Je pensais… je me disais… que tu m’emmènerais avec vous…
— À Paris ! tu perds la tête, je crois. Qu’y ferais-tu ? bon Dieu !
— Blanche, je t’en conjure, je t’en supplie.
— Impossible, tante, impossible !
Tante Médie semblait désespérée :
— Et si je te disais, insista-t-elle, que je ne puis rester ici, que je n’ose, que c’est plus fort que moi, que j’y mourrai !…
Le rouge de l’impatience commençait à empourprer le front de Mme Blanche.
— Ah ! tu m’ennuies, à la fin, dit-elle rudement.
Et avec un geste qui ajoutait à la cruauté de sa phrase :
— Si Courtomieu te déplaît tant que cela, rien ne t’empêche de chercher un séjour plus à ton gré ; tu es libre et majeure…
La parente pauvre était devenue excessivement pâle, et elle serrait à les faire saigner ses lèvres minces sur ses dents jaunies.
— C’est-à-dire, fit-elle, que tu me laisses le choix entre mourir de frayeur à Courtomieu, ou mourir de misère à l’hôpital. Merci, ma nièce, merci, je reconnais ton cœur ; je n’attendais pas moins de toi, merci !
Elle relevait la tête et une méchanceté diabolique étincelait dans ses yeux.