Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/511

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vous vous décidiez à cette dépense, c’était pour vous, et pour que la pauvresse fît honneur à votre générosité. Vous me mettiez ça sur le dos, comme vous cousiez du galon d’or aux habits de vos laquais, par vanité. Et moi, je me soumettais à tout, je me taisais petite, humble, tremblante, souffletée sur une joue, je tendais l’autre… il faut manger. Et toi Blanche, combien de fois, pour m’inspirer ta volonté m’as-tu pas dit : « Tu feras ceci ou cela, si tu tiens rester à Courtomieu. » Et j’obéissais, force m’était bien d’obéir, puisque je ne savais où aller… Ah ! vous avez abusé de toutes les façons ; mais mon tour est venu, et j’abuse…

Mme Blanche était à ce point stupéfiée qu’il lui eût été impossible d’articuler seulement une syllabe pour interrompre tante Médie.

A la fin, cependant, d’une voix à peine intelligible, elle balbutia :

— Je ne te comprends pas, tante, je ne te comprends pas.

Comme sa nièce, l’instant d’avant, la parente pauvre haussa les épaules.

— En ce cas, prononça-t-elle lentement, je te dirai que du moment où tu as fait de moi, bien malgré moi, ta complice, tout, entre nous, doit être commun. Je suis de moitié pour le danger, je veux être de moitié pour le plaisir. Si tout se découvrait !… Penses-tu à cela quelquefois ? Oui, n’est-ce pas, et tu cherches à t’étourdir. Eh bien ! je veux m’étourdir aussi… J’irai à Paris avec vous…

Faisant appel à toute son énergie, Mme Blanche avait un peu repris possession de soi.

— Et si je répondais non ? fit-elle froidement.

— Tu ne répondras pas non.

— Et pourquoi, s’il te plaît ?

— Parce que… parce que…

— Iras-tu donc me dénoncer à la justice ?

Tante Médie hocha négativement la tête,

— Pas si bête, répondit-elle, ce serait me livrer moi--