Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/52

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estime autant que je méprise les tristes ingrats qui ont essayé de vous humilier alors qu’ils devaient tomber à vos pieds… Vous avez rencontré des monstres sans cœur, tels qu’on ne trouverait sans doute pas leurs semblables.

— Hélas ! soupira le baron, les alliés nous en ont ramené comme cela quelques-uns qui pensent que le monde a été créé pour eux.

— Et ces gens-là, gronda Lacheneur, voudraient être nos maîtres !…

La fatalité voulut que personne n’entendît M. Lacheneur. Questionné sur le sens de sa phrase, il eût sans doute laissé deviner quelque chose des projets dont le germe existait déjà dans son esprit… Et alors, que de catastrophes évitées !…

Cependant M. d’Escorval reprenait peu à peu son sang-froid.

— Maintenant, mon cher ami, demanda-t-il, quelle conduite vous proposez-vous de tenir avec les messieurs de Sairmeuse ?

— Ils n’entendront plus parler de moi… d’ici quelque temps du moins.

— Quoi !… vous ne réclamerez pas les dix mille francs qu’ils vous doivent ?…

— Je ne demanderai rien…

— Il le faut pourtant, malheureux. Puisque vous avez parlé du legs de dix mille francs de votre marraine, votre honneur exige que vous en poursuiviez par tous les moyens légaux la restitution… Il y a encore des juges en France…

M. Lacheneur hocha la tête.

— Les juges, fit-il, ne m’accorderaient pas la justice que je veux ; je ne m’adresserai pas à eux…

— Cependant…

— Non, monsieur, non, je ne veux plus avoir rien de commun avec ces nobles de malheur. Je n’enverrai même pas chercher à leur château mes hardes et celles de ma fille. S’ils me les renvoient… bien. S’il leur plait de les