Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/538

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qui était venu vivre à Paris avec Maurice, enfin Martial et elle-même.

Il en était un autre cependant, dont le souvenir faisait frissonner la duchesse, et dont elle osait à peine articuler le nom…

Jean Lacheneur, le frère de Marie-Anne.

Une voix intérieure, plus puissante que tous les raisonnements, lui criait que cet implacable ennemi vivait encore, qu’il se souvenait toujours, qu’il était tout près d’elle, protégé par son obscurité, épiant l’heure de la vengeance…

Plus obsédée par ses pressentiments que par Chupin autrefois, Mme Blanche résolut de s’adresser à Chefteux, afin de savoir au moins à quoi s’en tenir.

L’ancien agent de Fouché était resté à sa dévotion. Toujours, tous les trois mois, il présentait un « compte de frais » qui lui était payé sans discussion, et même, pour l’acquit de sa conscience, il envoyait tous les ans, un de ses hommes rôder dans les environs de Sairmeuse.

Émoustillé par l’espoir d’une magnifique récompense, l’espion promit à sa cliente et se promit à lui-même de découvrir cet ennemi.

Il se mit en quête, et il était déjà parvenu à se procurer des preuves de l’existence de Jean quand ses investigations furent brusquement arrêtées…

Un matin, au petit jour, des balayeurs ramassèrent dans un ruisseau un cadavre littéralement haché de coups de couteau. C’était le cadavre de Chefteux.

« Digne fin d’un tel misérable, » disait le Journal des Débats, en enregistrant l’événement.

Lorsqu’elle lut cette nouvelle, Mme Blanche eut la terrifiante sensation du coupable lisant son arrêt.

— Ceci est la fin de tout, murmura-t-elle, Lacheneur est proche !…

La duchesse ne se trompait pas.

Jean ne mentait pas, quand il affirmait qu’il ne vendait pas pour son compte les biens de sa sœur.

L’héritage de Marie-Anne avait, dans sa pensée, une