Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/54

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Maurice le crut, car il s’avança brusquement au milieu du salon.

— Cela ne sera pas, monsieur Lacheneur, s’écria-t-il.

— Oh !…

— Non, cela ne sera pas, parce que j’aime Marie-Anne et que je vous la demande pour femme.

VI


Il y avait bien des années déjà que Maurice et Marie-Anne s’aimaient.

Enfants, ils avaient joué ensemble sous les ombrages magnifiques de Sairmeuse et dans les allées du parc d’Escorval.

Alors, ils couraient après les papillons, ils cherchaient parmi le sable de la rivière les cailloux brillants, ou ils se roulaient dans les foins pendant que leurs mères se promenaient le long des prairies de l’Oiselle.

Car leurs mères étaient amies…

Mme Lacheneur avait été élevée comme les filles des paysans pauvres, et c’est à grand’peine que, le jour de son mariage, elle parvint à former sur le registre les lettres de son nom.

Mais, à l’exemple de son mari, elle avait compris que prospérité oblige, et avec un rare courage, couronné d’un succès plus rare encore, elle avait entrepris de se donner une éducation en rapport avec sa fortune et sa situation nouvelle.

Et la baronne d’Escorval n’avait pas résisté à la sympathie qui l’entraînait vers cette jeune femme si méritante, en qui elle avait reconnu, sous ses simples et modestes dehors, une intelligence supérieure et une âme d’élite.