Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/55

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Quand était morte Mme Lacheneur, Mme d’Escorval l’avait pleurée comme une sœur préférée.

De ce moment, l’attachement de Maurice prit un caractère plus sérieux.

Élevé à Paris dans un lycée, il arrivait quelquefois que ses maîtres avaient à se plaindre de son application.

— Si tes professeurs sont mécontents, lui disait sa mère, tu ne m’accompagneras pas à Escorval aux vacances, tu ne verras pas ta petite amie…

Et cette simple menace suffisait pour obtenir du turbulent écolier un redoublement d’ardeur au travail.

Ainsi, d’année en année était allée s’affirmant cette grande passion qui devait préserver Maurice des inquiétudes et des égarements de l’adolescence.

Noble et chaste passion d’ailleurs, et de celles dont le spectacle réjouit, dit-on, et rend jaloux les anges du ciel.

Ils étaient, ces beaux enfants si épris, timides et naïfs autant l’un que l’autre.

De longues promenades à la brune, sous les yeux de leurs parents, un regard où éclatait toute leur âme quand ils se revoyaient, quelques fleurs échangées, — reliques précieusement conservées… — telles étaient leurs joies.

Ce mot magique et sublime : amour, si doux à bégayer et si doux à entendre, ne monta pas une seule fois de leur cœur à leurs lèvres.

Jamais l’audace de Maurice n’avait dépassé un serrement de main furtif. Jamais Marie-Anne n’avait été osée autant que ce matin même, en reconduisant son ami.

Cette tendresse mutuelle, les parents ne pouvaient l’ignorer, et s’ils fermaient les yeux, c’est qu’elle ne contrariait en rien leurs desseins.

M. et Mme d’Escorval ne voyaient nul obstacle à ce que leur fils épousât une jeune fille dont ils avaient pu apprécier le noble caractère, bonne autant que belle, et la plus riche héritière du pays, ce qui ne gâtait rien.

M. Lacheneur, de son côté, était ravi de cette perspec-