Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/56

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tive de devenir, lui, l’ancien valet de charrue, l’allié d’une vieille famille dont le chef était un homme considérable.

Aussi, sans que jamais un seul mot direct eût été hasardé, soit par le baron, soit par M. Lacheneur, une alliance entre les deux familles était arrêtée en principe…

Oui, le mariage était parfaitement décidé…

Et cependant, à l’impétueuse et inattendue déclaration de Maurice, il y eut dans le salon un mouvement de stupeur.

Ce mouvement, le jeune homme l’aperçut malgré son trouble, et inquiet de sa hardiesse, il interrogea son père du regard.

Le baron était fort grave, triste même, mais son attitude n’exprimait aucun mécontentement.

Cela rendit courage au pauvre amoureux.

— Vous m’excuserez, monsieur, dit-il à Lacheneur, si j’ai osé vous présenter ainsi une telle requête… C’est en ce moment où le sort vous accable que vos amis doivent se montrer… heureux si leurs empressements peuvent vous faire oublier les indignes traitements dont vous avez été l’objet…

Tout en parlant, il gardait assez de sang-froid pour observer Marie-Anne.

Rougissante et confuse, elle détournait à demi la tête, peut-être pour dissimuler les larmes qui inondaient son visage, larmes de reconnaissance et de joie.

L’amour de l’homme qu’elle aimait sortait victorieux d’une épreuve qu’il serait imprudent à beaucoup d’héritières de tenter.

Maintenant, oui, elle pouvait se dire sûre du cœur de Maurice.

Lui, cependant, poursuivait :

— Je n’ai pas consulté mon père, monsieur, mais je connais son affection pour moi et son estime pour vous… Quand le bonheur de ma vie est en jeu, il ne peut vouloir que ce que je veux… Il doit me comprendre, lui qui a épousé ma chère mère sans dot…