Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/555

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La vieille avait disparu. Le militaire s’était levé, il parlait en gesticulant, et Mme Blanche et Camille l’écoutaient attentivement.

Les deux gredins, face à face, les coudes sur la table, se regardaient, et Martial crut remarquer qu’ils échangeaient des signes d’intelligence.

Il avait bien vu. Les scélérats étaient en train de comploter un « bon coup. »

Mme Blanche, qui avait tenu à l’exactitude du travestissement, jusqu’à chausser de gros souliers plats qui la meurtrissaient, Mme Blanche avait oublié de retirer ses riches boucles d’oreilles.

Elle les avait oubliées… mais les complices de Lacheneur les avaient bien aperçues, et ils les regardaient avec des yeux qui brillaient plus que les diamants.

En attendant que Lacheneur parût, comme il était convenu, ces misérables jouaient le rôle qui leur avait été imposé. Pour cela, et pour leur concours ensuite, une certaine somme leur avait été promise…

Or, ils songeaient que cette somme ne s’élèverait peut-être pas au quart de la valeur de ces belles pierres, et de l’œil, ils se disaient :

— Si nous les décrochions, hein !… et si nous allions sans attendre l’autre !…

Bientôt ce fut entendu.

L’un d’eux se dressa brusquement, et, saisissant la duchesse par la nuque, il la renversa sur la table.

Les boucles d’oreilles étaient arrachées du coup sans Camille, qui se jeta bravement entre sa maîtresse et le malfaiteur.

Martial n’en put voir davantage.

Il bondit jusqu’à la porte du cabaret, l’ouvrit et entra, repoussant les verrous sur lui.

— Martial !…

— Monsieur le duc !…

Ces deux cris échappés en même temps à Mme Blanche et à Camille, changèrent en une rage furieuse la stupeur