Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/559

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comme pour dormir, de telle façon que sa tête n’était pas à un mètre de celle de Otto.

— La duchesse est hors de danger… murmura le fidèle domestique.

— Aujourd’hui, peut-être. Mais demain, par moi, on arrivera jusqu’à elle.

— Monseigneur s’est donc nommé ?

— Non… tous les agents, excepté un, me prennent pour un rôdeur de barrières.

— Eh bien !… il faut continuer à jouer ce personnage.

— À quoi bon !… Lacheneur ira me dénoncer…

Martial, pour le moment au moins, était délivré de Jean. Quelques heures plus tôt, en se rendant de l’Arc-en-ciel à la Poivrière, Jean avait roulé au fond d’une carrière abandonnée et s’y était fracassé le crâne. Des carriers qui allaient à leur travail l’avaient aperçu et relevé, et à cette heure même, ils le portaient à l’hôpital.

Bien que ne pouvant prévoir cela, Otto ne parut pas ébranlé.

— On se débarrassera de Lacheneur, dit-il, que monsieur le duc soutienne seulement son rôle… Une évasion n’est qu’une plaisanterie quand on a des millions…

— On me demandera qui je suis, d’où je viens, comment j’ai vécu…

— Monseigneur parle l’allemand et l’anglais, il peut dire qu’il arrive de l’étranger, qu’il est un enfant trouvé, qu’il a exercé une profession nomade, celle de saltimbanque, par exemple.

— En effet, comme cela…

Otto fit un mouvement pour se rapprocher encore de son maître, et d’une voix brève :

— Alors, convenons bien de nos faits, dit-il, car d’une parfaite entente dépend le succès. J’ai à Paris une amie — et personne ne sait nos relations — qui est fine comme l’ambre. Elle se nomme Milner et tient l’hôtel de Mariembourg, rue de Saint-Quentin. Monseigneur