Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/562

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Il se hasarda, cependant, s’en remettant à sa bonne étoile…

Et bien il fit, puisque dans la nuit même, il franchissait le mur du jardin de son hôtel, laissant en bas, comme otage aux mains de Lecoq, un misérable qu’il avait ramassé dans un bouge, Joseph Couturier…

Prévenu par Mme Milner, grâce à la fausse manœuvre de Lecoq, Otto attendait son maître.

En un clin d’œil, la barbe de Martial tomba sous le rasoir, il se plongea dans un bain qu’on tenait tout près, et ses haillons furent brûlés…

Et c’est lui qui, lors des perquisitions, quelques instants après, osa crier :

— Laissez, Otto, laissez messieurs les agents faire leur métier.

Mais ce n’est qu’après le départ de ces agents qu’il respira.

— Enfin !… s’écria-t-il, l’honneur est sauf !… Nous avons joué Lecoq.

Il venait de sortir du bain et avait passé une robe de chambre, quand on lui apporta une lettre de la duchesse.

Brusquement il rompit le cachet et lut :

« Vous êtes sauvé, vous savez tout, je meurs. Adieu, je vous aimais… »

En deux bonds, il fut à l’appartement de sa femme.

La porte de la chambre était fermée, il l’enfonça ; trop tard !…

Mme Blanche était morte, comme Marie-Anne, empoisonnée… Mais elle avait su se procurer un poison foudroyant, et étendue toute habillée sur son lit, les mains jointes sur la poitrine, elle semblait dormir…

Une larme brilla dans les yeux de Martial.

— Pauvre malheureuse !… murmura-t-il, puisse Dieu te pardonner comme je te pardonne, toi dont le crime a été si effroyablement expié ici bas !



FIN DE LA DEUXIÈME PARTIE.