Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/87

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ne pas comprendre les projets de Martial. Cet homme, qu’il haïssait déjà mortellement, osait parler d’amour à Marie-Anne devant lui, Maurice… C’est-à-dire que, depuis une heure, il le bafouait et l’outrageait ; il se jouait abominablement de sa simplicité.

La certitude de cette affreuse insulte, charria tout son sang à son cerveau.

Il saisit Martial par le bras, et avec une vigueur irrésistible il le fit pirouetter par deux fois sur lui-même, et le repoussa, le lança plutôt à dix pas, en s’écriant :

— Ah ! c’est trop d’impudence à la fin, marquis de Sairmeuse !…

L’attitude de Maurice était si formidable, que Martial le vit sur lui. La violence du choc l’avait fait tomber un genou en terre ; sans se relever, il arma son fusil, prêt à faire feu.

Ce n’était pas lâcheté de la part du marquis de Sairmeuse, mais se colleter lui représentait quelque chose de si ignoble et de si bas, qu’il eût tué Maurice comme un chien, plutôt que de se laisser toucher du bout du doigt.

Cette explosion de la colère si légitime de Maurice, Marie-Anne l’attendait, la souhaitait même depuis un moment.

Elle était bien plus inexpérimentée encore que son ami, mais elle était femme et n’avait pu se méprendre à l’accent du jeune marquis de Sairmeuse.

Il était évident qu’il « lui faisait la cour. » Et avec quelles intentions !… il n’était que trop aisé de le deviner.

Son trouble, pendant que le marquis parlait d’une voix de plus en plus tendre, venait de la stupeur et de l’indignation qu’elle ressentait d’une si prodigieuse audace.

Comment, après cela, n’eût-elle pas béni la violence qui mettait fin à une situation atroce pour elle, ridicule pour Maurice !