Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/92

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Mais M. Lacheneur haussa les épaules.

— Comme cela, fit-il, tu crois que c’est à moi qu’on offre tout cet argent ?

— Dame !… j’ai des oreilles…

— Eh bien ! mon pauvre garçon, il faut se défier de ce qu’elles entendent. La vérité est que ces grosses sommes sont destinées aux beaux yeux de ma fille. Elle a plu à ce freluquet de marquis, et il voudrait en faire sa maîtresse…

Chanlouineau s’arrêta court, l’œil flamboyant, les poings crispés.

— Saint bon Dieu !… s’écria-t-il, prouvez-moi cela, et je suis à vous, corps et âme… et pour tout ce que vous voudrez.

XII


— Non, décidément, je n’ai de ma vie rencontré une femme qui se puisse comparer à cette Marie-Anne. Quelle grâce et quelle majesté !… Ah ! sa beauté est divine !…

Ainsi pensait Martial en regagnant Sairmeuse, après ses propositions à M. Lacheneur.

Au risque de s’égarer, il avait pris au plus court, et il s’en allait à travers champs, se servant de son fusil comme d’une perche pour sauter les fossés.

Il trouvait une jouissance toute nouvelle pour lui, et délicieuse, à se représenter Marie-Anne telle qu’il venait de la voir, palpitante et émue, pâlissant et rougissant tour à tour, près de défaillir ou se redressant superbe de fierté.

— Comment soupçonner, se disait-il, sous ces chastes dehors, sous cette naïveté pudique, une âme de feu et