Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/93

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une indomptable énergie ! Quelle adorable expression avait son visage, que de passion dans ses deux grands yeux noirs pendant qu’elle regardait ce petit imbécile d’Escorval !… Que ne donnerait-on pas pour être regardé ainsi, ne fut-ce qu’une minute !… Comment ce garçon ne serait-il pas fou d’elle !…

Lui-même l’aimait, sans vouloir encore se l’avouer. Cependant, quel nom donner à cet envahissement de sa pensée, à ces furieux désirs qui frémissaient en lui.

— Ah !… n’importe, s’écria-t-il, je la veux… Oui, je la veux et je l’aurai.

En conséquence, il se mit à étudier le côté politique et stratégique de l’entreprise, avec la sagacité d’une expérience souvent mise à l’épreuve.

Son début, force lui était d’en convenir, n’avait été ni heureux ni adroit.

— C’est mon père, murmurait-il, qui me vaut cette école… Comment, moi qui le connais, ai-je pu prendre ses rêveries pour des réalités !…

Il est sûr que l’épreuve qu’il venait de tenter était faite pour porter la lumière dans son esprit. Hommages et argent avaient été repoussés. Si Marie-Anne avait entendu avec une visible horreur ses déclarations déguisées, M. Lacheneur avait accueilli plus que froidement ses avances et l’offre d’une véritable fortune.

En outre, il se rappelait l’œil terrible de Chanlouineau.

— Comme il me toisait, ce magnifique rustre ! grommela-t-il. Sur un signe de Marie-Anne, il m’eût écrasé comme un œuf, sans souci de mes aïeux. Ah ça ! l’aimerait-il aussi lui ?… Nous serions trois poursuivants en ce cas.

Mais plus l’aventure lui paraissait difficile et même périlleuse, plus elle irritait sa passion.

— Tout peut se réparer, songeait-il. Les occasions de nous revoir ne nous manqueront pas. Ne faudra-t-il pas que nous ayons quelques entrevues avec M. Lacheneur pour régulariser la restitution de Sairmeuse ?… Je l’ap-