portée de la voix, nous vous cherchons partout, mon fils et moi ; c’est M. le duc…
— Bien, dit sèchement Martial, je rentre.
Mais Chupin n’était pas susceptible, et si fâcheux que fût l’accueil, il ne s’en risqua pas moins à cheminer derrière Martial, assez près pour être entendu.
Il avait son projet, car il ne tarda pas à entamer le long récit de toutes les calomnies répandues dans le pays sur le compte de M. Lacheneur.
Pourquoi choisissait-il ce sujet plutôt qu’un autre ? Avait-il deviné quelque chose de la passion du jeune marquis de Sairmeuse ?…
À l’entendre, Lacheneur — il ne disait plus : Monsieur — n’était définitivement qu’un scélérat, la restitution de Sairmeuse n’était qu’une rouerie, enfin il possédait des mille et des cent mille francs, puisqu’il mariait sa fille Marie-Anne.
Si le vieux maraudeur n’avait que des soupçons, Martial les changea en certitude par sa vivacité à demander :
— Comment, Mlle Lacheneur va se marier.
— Oui, monsieur le marquis.
— Et avec qui ?…
— Avec Chanlouineau, monsieur le marquis, ce gars, vous savez bien, que les paysans voulaient massacrer sur la place, parce qu’il avait manqué de respect à M. le duc. Il est finaud, le mâtin, et si Marie-Anne ne lui apportait pas de bons écus vaillants, il ne la mènerait pas à la mairie… Oh non !… quoique ce soit une belle fille.
— Est-ce positif ce que vous dites là ?…
— À ma connaissance, oui. Mon aîné qui est là a entendu dire à Chanlouineau et à Lacheneur que la noce est pour le mois qui vient, et qu’on va publier les bans…
Et se retournant vers son fils :
— Pas vrai… garçon ? demanda-t-il.
— Ma grande foi, oui ! répondit le gars, qui jamais n’avait ouï rien de pareil.