Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/104

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nistre dialogue entre les vibrations frémissantes de la cloche d’alarme et le murmure sourd des eaux déchaînées, une lueur rougeâtre, faible d’abord, disputa le terrain de la plaine à la blanche clarté de la lune.

Bientôt après cette clarté sembla pâlir, des pétillements semblables à ceux du sarment qui s’enflamme se firent entendre à l’oreille attentive des deux sœurs, et la lueur rouge régna seule en maîtresse sur la surface de la plaine, en jetant ses reflets de feu jusqu’aux cimes des palmiers.

Sur la crête des collines voisines de l’hacienda et sur les terrasses, de larges foyers venaient d’être allumés par ordre de don Mariano, comme un phare qui devait guider les voyageurs errants dans la plaine jusqu’au port de salut de son hospitalière demeure.

L’œil et l’oreille étaient avertis à la fois pour apprendre le danger et pour aider à le fuir. Des ombres gigantesques, celles des hommes chargés d’entretenir les foyers, se projetaient au loin sur la plaine, et ces silhouettes immenses, les clartés empourprées dans lesquelles elles nageaient, le grondement des eaux, qui semblaient vouloir étouffer les cris d’appel de la cloche, frappaient l’esprit des deux jeunes filles d’une terreur plus profonde.

De longues minutes s’écoulèrent ainsi, et la lune continuait de monter lentement dans le ciel, et le murmure lointain, le bruit sourd, devenait plus aigu en se rapprochant, puis devint bientôt égal à celui du tonnerre. Encore quelques instants, et l’eau des fleuves débordés allait écumer au pied de l’amphithéâtre de l’hacienda. Gertrudis interrompit ses prières.

« Oh ! Marianita, dit-elle, puisses-tu ne rien voir maintenant ! car les eaux s’approchent, et gagnent de minute en minute. »

Marianita ne répondit rien, mais ses regards erraient toujours, à l’horizon, essayant d’en percer les lointaines