Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/115

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cés par une fraîcheur soudaine, et se vit suspendu dans son hamac au-dessus d’une mer en furie, qui roulait les vagues énormes à un demi-pied de distance de son corps. L’étudiant poussa un cri terrible, auquel répondirent, comme du sommet des deux tamariniers, des grondements sourds et des sifflements aigus.

Cornelio promena un œil effrayé autour de lui et, aussi loin que ses regards purent atteindre, il ne vit qu’un lac immense aux vagues écumeuses. Dès lors tout lui fut expliqué : la fuite des habitants des campagnes et ces canots suspendus aux arbres, Les bruits qu’il avait entendus n’avaient pour cause que l’approche d’une de ces inondations annuelles qui ont lieu presque à jour fixe dans la province de Oajaca, où il se trouvait, et qu’il aurait évitée dans la maison de son oncle, sans la lenteur désespérante de son cheval de picador.

Qu’allait devenir le voyageur ? à peine savait-il nager, et, eût-il pu rivaliser avec l’un des pêcheurs de perles de Tehuantepec, que toute son habileté ne lui eût servi à rien au milieu d’un lac à perte de vue, au-dessus duquel surgissaient seules les cimes des tamariniers entre lesquels il était suspendu.

Sa situation, déjà effrayante, ne tarda pas à le devenir davantage.

Des yeux de feu que l’étudiant vit briller comme des vers luisants ou, pour mieux dire, comme des charbons ardents, au milieu du feuillage des arbres, ne tardèrent pas à lui expliquer aussi la nature des grondements sourds qu’il venait d’entendre : quelques animaux féroces, des jaguars, sans doute, s’étaient réfugiés, sur les tamariniers pour fuir l’inondation. Eux seuls pouvaient grimper ainsi au-dessus du sol. Nous ne ferons pas le récit de ses terreurs pendant cette nuit terrible où il se vit suspendu, au milieu d’un si effrayant voisinage, sur un océan qui pouvait grossir encore et l’emporter.