Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/123

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heureux que vous et s’il a échappé à l’inondation. Ce serait dommage qu’il n’eût pas pu gagner à temps l’hacienda ; car c’est un vaillant jeune homme, et les braves sont si peu nombreux !

— Heureux ceux qui le sont ! dit l’étudiant.

— Tenez, voici Clara qui ne craint guère les hommes, et qui a peur des tigres comme un enfant. »

Bien que la première fureur des eaux se fût apaisée, il n’était pas facile néanmoins d’en remonter le cours dans une petite pirogue comme celle qui portait les trois navigateurs. La houle était forte encore, et il fallait soigneusement éviter le choc des arbres en dérive comme de ceux que leurs racines tenaient immobiles sous l’eau.

Il était donc midi environ, quand, à travers la cime verdoyante des palmiers semblables à des bouquets de verdure dont la tige baignait dans ce lac immense, apparut le clocher de l’hacienda de las Palmas ; puis peu à peu, le bâtiment lui-même sembla sortir du sein des eaux. Don Cornelio se réjouit à cette vue, car la faim le dévorait, et l’abondance était derrière ces murs.

Tout à coup le son clair d’une cloche, qui semblait inviter à passer au réfectoire, arriva jusqu’à ses oreilles par volées joyeuses comme le chant des oiseaux. C’était l’Angelus de midi.

En même temps deux barques, différemment chargées, apparurent aux regards de l’étudiant.

La première portait deux rameurs, un cavalier en habit de voyage et une mule sellée et bridée.

Dans la seconde était assis don Mariano Silva, ses deux filles, dont d’épaisses couronnes d’œillets rouges et de fleurs de grenadier couvraient la tête, et dont les mains délicates maniaient l’aviron, suivant l’usage du pays ; puis enfin, à côté de don Mariano, don Rafael Tres-Villas.

Les deux barques se dirigeaient vers les montagnes qui bornaient la plaine noyée du côté du nord, et