Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/166

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sa mule, l’animal, effrayé par la vue soudaine des cavaliers, se cabra et le jeta si violemment à terre, que, sa tête donnant contre un caillou du chemin, il perdit complètement connaissance.

Quand il reprit ses sens, il se trouva assis sur le revers de la route, le crâne à moitié fendu, et, par-dessus tout, sans sa mule, qui, profitant du moment où les cavaliers mettaient pied à terre pour ne s’occuper que de lui, avait jugé à propos de rebrousser chemin au grand galop.

Des trois cavaliers, l’un paraissait être le maître et les deux autres les serviteurs. Le premier, adressant la parole à l’étudiant.

« Écoutez, mon fils, lui dit-il ; votre état, sans être grave, exige des soins que vous ne sauriez trouver dans le village pauvre et malsain de Caracuaro, dont, sans vous en douter, vous êtes encore à plus de deux lieues. Ce que vous avez de mieux à faire, faute de monture, est de vous mettre en croupe derrière l’un de mes domestiques et de nous accompagner à l’hacienda de San-Diego, à une heure de marche d’ici. C’est la direction qu’a prise votre mule, que je chargerai un des vaqueros de rattraper ; puis, de là, vous pourrez, au bout de trois jours, reprendre votre route. Où alliez-vous ?

— À Valladolid, me faire conférer les saints ordres.

— Eh bien ! nous sommes de la même robe, dit le cavalier en souriant ; tel que vous me voyez, je suis le curé indigne de Caracuaro, Jose-Maria Morelos, dont vous n’aurez certes pas entendu parler. »

Le grand nom de Morelos, en effet, était parfaitement inconnu à cette époque. L’étudiant toutefois ne put s’empêcher de s’étonner du singulier accoutrement du cavalier. Son costume était tout fripé. À l’arçon de sa selle étaient attachés une escopette à deux coups, dont une batterie seule paraissait en état, et, dans un fourreau de cuir, un sabre dont la garde de fer était toute rouillée.