Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/193

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brisé se trouve à peine dans une position plus désespérée que l’Indien et le capitaine don Cornelio, à cheval tous deux sur la quille d’un canot qu’un coup de mer pouvait faire chavirer de nouveau et couler bas. Que le vent vînt à fraîchir ou que la houle augmentât, la perte des deux aventuriers était inévitable.

Un espoir vague que l’Indien le délivrerait de ce danger, comme de plusieurs autres dont l’intrépidité de Costal l’avait déjà tiré, soutenait seul le ci-devant étudiant en théologie. Aussi examinait-il avec une attention profonde les moindres symptômes qui pouvaient lui faire juger de la situation d’esprit du Zapotèque.

Jusque-là, son inaltérable sang-froid ne s’était pas démenti ; cependant, à mesure que le temps s’écoulait sans qu’on aperçût les baleinières, les traits de Costal s’assombrissaient et don Cornelio se sentait frémir. Il y a encore loin néanmoins de l’inquiétude au découragement, et Costal n’en était en apparence qu’à la première de ces deux phases.

« Eh bien ! Costal ? demanda Cornelio pour faire rompre au Zapotèque le silence de mauvais augure qu’il gardait.

— Eh bien ! je m’étonne que les baleinières ne se soient pas émues à ce coup de canon. Le mariscal, d’ordinaire, n’a pas besoin d’en entendre deux pour… »

Une rafale de vent, qui passa en sifflant, emporta les derniers mots de l’Indien.

Costal retomba dans un silence effrayant. Une nuance plus foncée d’inquiétude se peignit dans sa contenance. C’était presque de la crainte que trahissait son masque bronzé, jusque-là si impassible.

Lantejas savait que, lorsque Costal manifestait la moindre émotion, le péril devait être bien terrible : non pas que l’effrayante évidence de celui qu’il courait eût besoin de quelque preuve ; mais don Cornelio comptait toujours sur quelque ressource imprévue que