que la fraîcheur de la nuit condensait autour de lui, le Zapotèque reprit le pas gymnastique particulier à toutes les races indiennes, et je le vis bientôt descendre par le sentier opposé, à l’autre extrémité du plateau. Quelques minutes après, j’entendis, au milieu du silence de la nuit, déjà moins profond, les notes rauques et vibrantes de la conque marine du voyageur indien.
« Quel est cet infernal tapage ? » s’écria le capitaine don Ruperto en sortant de sa chambre.
Je racontai au capitaine la rencontre que je venais de faire d’un Indien zapotèque, ainsi que ses singulières réponses au sujet de ses croyances.
« Cela ne m’étonne pas, reprit Castaños ; ces Indiens de Tehuantepec n’ont des curés dans leurs villages que pour la forme ; c’est pour ces bons pères une sinécure complète, car les Zapotèques sont plus idolâtres que chrétiens, et plus adonnés qu’aucune autre race indienne aux pratiques superstitieuses de leurs ancêtres. Ce voyageur fait allusion à un usage en vigueur dans son pays : lorsqu’une Indienne est en mal d’enfant, le père et ses amis, rassemblés dans la hutte, dessinent sur le sol, puis effacent tour à tour de grossières figures d’animaux ; celle qui subsiste à l’instant de la naissance de l’enfant est ce qu’ils appellent sa tona. Ils pensent que la vie du nouveau-né est attachée à celle de l’animal en question, et qu’il doit mourir en même temps que lui, et l’enfant, en grandissant, cherche sa tona, la soigne, s’y attache et la respecte comme un fétiche.
— Je présume, dis-je au capitaine, que les Zapotèques ont alors le soin de ne dessiner que des animaux remarquables par leur longévité, sans quoi… »
L’honnête capitaine ne répondit, et pour cause, à mon objection qu’en m’assurant que, du reste, ces Indiens étaient braves, qu’ils se pliaient facilement à la discipline et faisaient en résumé d’excellents soldats ; ce dont je fus forcé de me contenter.