Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/259

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.



CHAPITRE IX

VALERIO TRUJANO.


L’ancien muletier qu’on a vu ne pas vouloir s’exposer aux chances de la guerre avant d’avoir religieusement payé ses dettes, aujourd’hui le colonel don Valerio Trujano, n’était qu’un guerillero comme il y en avait tant alors. Le renom dont il jouissait néanmoins dans les limites étroites de sa sphère était un sujet continuel d’inquiétudes pour les chefs royalistes de la ville de Oajaca. Ils pensèrent que le moment était venu d’écraser ce redoutable ennemi qui se trouvait privé de l’appui de deux de ses compagnons, don Miguel et don Nicolas Bravo, guerilleros comme lui, que Morelos venait de rappeler à Cuautla.

Telle était l’importance qu’on attachait à la défaite du religieux insurgé, que le gouvernement fit marcher contre lui presque toutes les forces de la province. Trujano se trouvait alors dans le bourg de Huajapam, où nous l’avons déjà vu, et c’est là qu’il eut l’occasion de s’immortaliser par la belle défense qu’il fit de cette petite ville ouverte de tous côtés ; heureusement pour lui, Huajapam était abondamment pourvu de vivres.

La résistance ne devenait possible qu’en changeant les règles ordinaires ; c’est ce que fit Trujano.

Il commença par faire emmagasiner tous les vivres, dont il se réserva chaque matin la distribution exclusive à chaque soldat et à chaque famille ; puis il établit une sévère discipline monastique que, depuis le premier jusqu’au dernier jour, au milieu des péripéties sanglantes d’un siège de cent quatorze jours, la force de sa volonté,