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pagne à l’époque où s’ouvre ce récit, c’est-à-dire au commencement du mois d’octobre 1810.

Un matin, à l’heure où sous les tropiques la chaleur du jour succède brusquement à la fraîcheur des nuits, vers neuf heures, un cavalier suivait solitairement non pas la route, car il n’y en a pas de bien distinctement tracée, mais les plaines sans fin qui conduisent des limites de l’État de Vera-Cruz à celui de Oajaca. Pour traverser un pays en guerre civile et dans lequel, en ne comptant pas les rôdeurs de profession, toujours prêts à dépouiller les passant sans acception de parti, on est continuellement exposé à rencontrer un ennemi, le voyageur en question était assez pauvrement armé et encore plus pauvrement monté.

Un sabre courbe, à fourreau de fer aussi rouillé que s’il eût longtemps séjourné dans le fond de quelque rivière, était passé entre sa jambe et le cuir de sa selle, pour éviter ainsi, les meurtrissures que le poids d’une arme semblable fait éprouver aux hanches du cavalier. Ce sabre était le seul moyen de défense dont celui-ci parût pouvoir disposer, en supposant toutefois que la rouille n’eût pas cloué la lame au fourreau.

Le cheval sur lequel le voyageur cheminait assez péniblement au pas, malgré les coups d’éperon dont il n’était pas avare, avait sans doute appartenu à quelque picador de toros (toréador à cheval), à en juger par les cicatrices nombreuses dont ses flancs et son poitrail étaient sillonnés. C’était tout au moins une bête de rebut, maigre et rétive, et que celui qui l’eût achetée cinq piastres eût payée le double de sa valeur.

Le cavalier portait une, veste d’étoffe blanchâtre, des calzoneras[1] de velours de coton olive, des bottines de peau de chèvre imitant le cuir de Cordoue, Il était petit, mince et chétif, paraissant tout au plus âgé de vingt-

  1. Sorte de pantalons.