dévoré de la plus noire jalousie, que la jeune créole se mit en route. Les dangers de toute sorte qu’avait à courir son messager à travers un pays déchiré par la guerre civile, et l’incertitude de son retour, augmentaient encore ses tourments. Le chagrin la consumait ; son cœur se flétrissait, et ses yeux éteints, ses joues pâles, annonçaient combien étaient horribles les tortures qu’elle endurait.
Don Mariano voyait avec une douleur extrême la vie graduellement s’éteindre chez sa fille. Reconnaissant l’inutilité des efforts qu’il avait faits jusque-là pour détruire son amour, en lui représentant don Rafael comme aussi déloyal envers sa maîtresse qu’envers son pays, il cherchait maintenant à atténuer ce qu’il avait dit, et, de sévère accusateur, qu’il était naguère, il était devenu le bienveillant défenseur du colonel. La noblesse et la franchise de son caractère devaient éloigner de lui tout soupçon de perfidie, et son silence s’expliquait naturellement par le concours de diverses circonstances indépendantes de sa volonté, et par des empêchements que les événements politiques avaient rendus insurmontables.
Gertrudis souriait mélancoliquement aux paroles de son père, et son cœur n’en restait pas moins ulcéré.
Ce fut ainsi que se passèrent les trois premiers jours du voyage de Oajaca jusque sur les bords de l’Ostuta, sans aventures, il est vrai, mais non sans que des bruits alarmants, recueillis en route sur les rapines et les meurtres du sanguinaire Arroyo, fussent venus jeter de l’inquiétude dans l’esprit des voyageurs.
La troisième journée de marche s’était terminée le soir à l’endroit, où nous les avons laissés campés dans le bois, non loin du gué de l’Ostuta.
Pendant la nuit, don Mariano, inquiet de certaines rumeurs confuses qu’il entendait dans la forêt, et pressentant quelques dangers au passage du fleuve, avait