Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/414

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en s’enveloppant de leurs manteaux, et bientôt il ne resta plus d’éveillé dans ce bois, en apparence du moins, que les deux sentinelles et don Mariano, dont l’inquiétude bannissait le sommeil de ses yeux.

Quant à Gertrudis, outre qu’elle était à l’âge où la jeunesse a encore, comme l’enfance, le privilége de s’endormir en pleurant, son état de faiblesse avait eu raison des chagrins de son cœur.

Le silence de la nuit était profond, et les deux veilleurs, les yeux fixés sur le sommet nuageux de la colline enchantée, se demandaient quels mystères pouvait cacher ce dais de brouillards qui, au dire de Zefirino, le couvrait sans cesse, quand tout à coup ils furent glacés d’effroi par une voix humaine qui fit entendre, dans la direction du lac, les mêmes cadences bizarres qu’ils avaient cru déjà distinguer.

Seulement il était impossible de comprendre ce que chantait la voix. C’était un langage inconnu, comme celui que, trois siècles auparavant, les prêtres indiens devaient parler à leurs divinités.

Tous deux se signèrent en échangeant un regard effrayé.

« C’est peut-être l’Indien qui cherche son cœur, » dit Ambrosio d’une voix à peine articulée.

Son compagnon ne put faire qu’un signe de tête pour exprimer que telle était aussi sa pensée.

Puis, un instant plus tard, il secoua l’un des dormeurs d’un bras convulsif.

« Qu’est-ce ? » demanda Zefirino en s’éveillant en sursaut.

Le domestique ne répondit pas, mais il montrait du doigt, en tremblant, un objet étrange qui battait les roseaux du lac.

Zefirino ne tarda pas à se rendre compte de ce qui effrayait si fort son camarade, et lui expliqua ce qui se passait sous leurs yeux.