Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/442

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— Grâce ! grâce ! seigneur colonel, criait Arroyo d’une voix lamentable.

— Chut donc ! vous nous empêchez de causer, fit le Zapote.

— Un message ! s’écria le colonel, dont le cœur tressaillit d’espoir ; un message, et de quelle part ?

— Faites éloigner vos hommes, dit le Zapote, c’est un message confidentiel… un message d’amour, » acheva-t-il tout bas.

Sur un geste impérieux du colonel, car la voix lui manqua tout à coup, ses cavaliers s’écartèrent de façon à ne pouvoir rien entendre ; cependant, comme si cette précaution ne lui suffisait pas, il inclina la tête vers le messager.

Que lui dit le Zapote, qui, après s’être si adroitement substitué à Gaspar, jouait seul le rôle du messager véritable ? nous pouvons nous dispenser de le traduire. L’attitude seule du colonel révélait assez le sens des paroles qu’il venait d’entendre.

Soutenu d’une main à la longue crinière du Roncador, comme à un point d’appui dont il avait besoin pour se maintenir en selle, le colonel Tres-Villas étouffa un cri de bonheur ; puis il cacha vivement dans sa poitrine un objet que lui remit le messager, qui, à son tour, sur un mot de don Rafael, fit un saut prodigieux en témoignage de la joie folle qu’il éprouvait.

Alors le colonel tira son poignard, et ses cavaliers purent l’entendre dire à demi-voix au Zapote :

« Dieu ne voulait donc pas que cet homme mourût, puisque c’est à présent qu’il vous envoie vers moi ? »

Et, oubliant qu’il tenait enfin en sa puissance son plus mortel ennemi et le meurtrier de son père, oubliant son serment de haine pour ne plus se rappeler, au milieu des sensations délicieuses dont son cœur était plein, que le serment de clémence fait à Gertrudis elle-même, don Rafael se pencha sur la croupe de son cheval et tran-