Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/50

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cades, sur la surface des lacs déserts, apparaît, à ceux qui osent l’invoquer d’un cœur ferme, la Sirène aux cheveux tordus.

— La Sirène aux cheveux tordus ? répéta le nègre.

— Celle qui révèle l’emplacement des gîtes d’or dans les plaines ou au milieu des montagnes, et qui indique des bancs de perles sur les côtes de la mer.

— En êtes-vous certain ? Qui vous a dit cela ? demanda Clara d’un ton où la crédulité le disputait au doute.

— Mes pères m’ont transmis ce secret, répondit l’Indien avec solennité, et Costal croit plus à la parole de ses pères qu’à celle des prêtres chrétiens, quoiqu’il ait l’air d’ajouter foi à la croyance qu’ils lui enseignent. Pourquoi Tlaloc et Matlacuezc, les divinités des eaux et des montagnes, ne seraient-ils pas des dieux aussi puissants que le Christ des blancs ?

— Ne dites pas cela si haut, dit vivement le nègre, en se signant avec dévotion devant ce blasphème ; les prêtres chrétiens ont l’oreille partout, et l’inquisition a des cachots pour les hommes de toutes les couleurs. »

Au souvenir de l’inquisition évoqué par le noir, l’Indien baissa involontairement la voix. « Mes pères, reprit-il, m’ont enseigné que les divinités des eaux n’apparaissent jamais à un homme seul ; il faut être deux pour les appeler, deux hommes d’un courage égal, car parfois leur colère est terrible. Voulez-vous être le compagnon dont j’ai besoin ?

— Hum ! fit Clara ; je puis me vanter de n’avoir pas trop peur des hommes ; je n’en dirai pas de même des tigres, et quant à vos divinités, qui pourraient bien n’être que le diable en personne, je n’oserais pas affirmer…

— Hommes, tigres ou diable, ne doivent pas faire peur à celui qui a le cœur vraiment fort, reprit Costal, surtout quand le prix, de son courage doit être l’or, qui d’un pauvre Indien peut faire un seigneur.