Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/106

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des Indiens l’avait rappelé à la réalité de ce monde.

Malheureusement, en tournant bride, Baraja se trouva en face de Diaz, que sa désertion du matin n’avait pas favorablement disposé pour lui.

« Lâche ! cria Diaz en lui barrant le passage, vous ne fuirez pas deux fois en ma présence. »

Au même instant, les Apaches entouraient les deux cavaliers, et ce fut bien malgré sa volonté que Baraja prit part à la lutte mortelle qu’il voulait éviter.

C’étaient les deux cavaliers dont les Mexicains combattant encore dans le camp avaient vu les héroïques efforts. Diaz avait arraché le casse-tête des mains d’un Indien et s’en servait avec un effrayant succès. C’est lui aussi qu’on a vu échapper à la fin à des ennemis trop nombreux pour qu’il pût espérer de les vaincre ; le prisonnier dont des cris de triomphe avaient signalé la capture, le blanc attaché à l’arbre en attendant le supplice, c’était Baraja.

Étroitement garrotté contre le tronc épineux d’un bois de fer, et au milieu d’une espèce de ronde infernale qu’on dansait autour de lui, le meurtrier d’Oroche voyait s’approcher l’heure de la terrible expiation que la Providence lui réservait.

Le malheureux, à qui les sinistres récits du vieux Benito revenaient en mémoire, comprit qu’il était tombé entre les mains d’ennemis plus impitoyables encore qu’il ne l’avait été lui-même envers le gambusino, et que toute merci, même une goutte d’eau pour apaiser sa soif au milieu des tortures, lui serait refusée.

Baraja, dans d’horribles angoisses, enviait le sort du compagnon qu’il avait si inhumainement sacrifié à son insatiable cupidité. Oroche, suspendu au-dessus de l’abîme, jetant des yeux égarés sur la corde qui se détendait en craquant à chacun des coups de couteau qui en tranchait un cordon, était aux yeux du misérable sur un lit de roses en comparaison de lui-même. Il pensait en