Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/107

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frémissant que sa propre torture durerait autant d’heures que celle de sa victime avait duré de minutes.

Plongé dans une morne stupeur, il promenait ses yeux hagards et ternes sur les figures sauvages de ses bourreaux, qui s’occupaient avec une joie frénétique des apprêts de son supplice. À la clarté des chariots embrasés qui illuminaient la plaine, on pouvait le voir affaissé sous ses liens, qui seuls empêchaient ses jambes tremblantes de se dérober sous le poids de son corps.

Le bandit subissait la terrible conséquence de cette logique inexorable qui veut que, dans les choses d’ici-bas, du mal naisse infailliblement le mal, et que du bien procède toujours le bien.

Peut-être y aurait-il moins de malfaiteurs parmi les hommes si, à la crainte des lois humaines auxquelles on espère toujours échapper, si à celle d’un châtiment dans un autre monde, à une échéance lointaine et dont l’incrédulité peut se rire, se joignait, comme complément de l’éducation religieuse, l’enseignement de cette loi du talion infligée par la Providence et que nul ne peut éluder. Combien de malheurs en effet dont la source paraît inexplicable viennent nous frapper et qui ne sont que des expiations ! N’est-il pas dit : « Il te sera fait ce que tu auras fait à autrui ? »

En ce moment suprême, que n’aurait pas donné Baraja pour avoir connaissance de la haine de l’Oiseau-Noir pour les trois chasseurs et de ses projets de vengeance contre eux ? Le val d’Or tout entier ne lui eût pas paru trop pour payer cette connaissance. Indiquer leur retraite, c’eût été racheter sa vie.

De son côté, l’Oiseau-Noir, qui allait ordonner son supplice, était loin de soupçonner que le prisonnier aurait pu conduire ses guerriers vers ceux dont il avait perdu la trace.

Cependant, en attendant que le chef indien donnât à ses guerriers le signal de la fête, les ferrements des