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Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/108

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chariots rougis dans les foyers se convertissaient en instruments de torture. Ceux qui n’avaient pu s’en procurer aiguisaient des pieux ou préparaient leurs couteaux.

Après la victoire complète que les Indiens venaient de remporter, le supplice d’un prisonnier devait mettre le comble aux joies de la journée. Les paroles échappées la veille au vieux Benito résonnaient aux oreilles de Baraja comme une prophétie terrible : « Si le malheur voulait, lui avait-il dit, que vous tombassiez entre leurs mains, priez Dieu que les Apaches soient d’humeur joviale ce jour-là, et vous en serez quitte pour un supplice atroce, mais du moins fort court. »

Or, le triste Baraja ne pouvait se dissimuler que les Indiens étaient ce soir d’une effroyable gaîté, pas plus qu’il ne parvenait à oublier que ce court supplice durait cinq à six heures, quelquefois plus, mais jamais moins.

Un Indien à figure farouche s’avança le premier vers la victime et lui dit :

« Les visages pâles sont bavards comme la perruche quand ils sont en grand nombre, et, quand ils se trouvent attachés au poteau du supplice, ils sont muets comme les saumons des cataractes. Le blanc osera-t-il chanter son chant de mort ? »

Baraja ne comprit pas, et un sourd gémissement fut sa seule réponse.

Un autre Indien s’avança vers lui. Une large blessure faite par le poignard d’un blanc traversait sa poitrine d’une épaule à l’autre ; le sang en coulait encore avec abondance, malgré les ligaments d’écorce qui la bandaient.

L’Apache trempa son doigt dans son propre sang, et, traçant sur la figure de Baraja une ligne de démarcation du front au menton :

« Tout ce côté de la figure, dit-il, la moitié du front,