Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/109

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l’œil et la joue sont ma part, et je les marque d’avance pour moi ; moi seul aurai le droit de les arracher au blanc vivant. »

Et, comme Baraja ne comprenait pas davantage cette affreuse menace, l’Indien la lui rendit complètement claire à l’aide de quelques mots espagnols et de l’expressive pantomime de son couteau.

Le sang se figea dans les veines du malheureux.

Excité par l’exemple, un troisième Indien sortit du cercle sauvage formé autour du prisonnier.

« La chevelure sera pour moi, dit-il.

– J’aurai seul alors, ajouta un quatrième, le droit de verser sur le crâne dépouillé du blanc la graisse bouillante que nous donneront les cadavres de ses frères. »

Il était presque impossible à Baraja de ne pas comprendre tous ces horribles détails, dont des gestes expressifs lui donnaient l’explication.

Puis il y eut un moment de répit, pendant lequel les Indiens reprirent la danse du scalpe, espèce de bourrée d’Auvergne, mais qu’on dirait exécutée par des démons.

Des hurlements d’une autre nature que ceux qui accompagnent forcément les réjouissances ou les douleurs des Indiens (car le sauvage, le plus féroce des animaux du désert, ne sait que hurler dans sa joie comme dans sa tristesse), ne tardèrent pas à se faire entendre. C’étaient les rugissements d’impatience de ces tigres toujours hurlants.

Alors le chef blessé, demeuré au sommet de l’éminence avec l’Antilope, se leva brusquement pour dire que le moment était venu où ses guerriers pouvaient commencer à déchirer leur proie.

Mais l’heure de Baraja n’avait pas encore sonné, il n’en était encore qu’à l’expiation morale.

Au moment où l’Oiseau-Noir allait faire commencer