Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/110

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l’horrible drame, un événement inattendu vint en suspendre le signal.

Un guerrier dont l’accoutrement, quoique indien, ne ressemblait en rien à celui des Apaches, apparut tout à coup dans le cercle de lumière que traçaient les feux des chariots. Sa présence ne parut surprendre personne ; seulement le nom d’El-Mestizo passa de bouche en bouche.

L’inconnu salua gravement de la main les Indiens et marcha vers le prisonnier. La flamme éclairait assez vivement les traits de Baraja pour que le nouvel arrivé pût voir la pâleur livide qui les couvrait. Un dédain profond, sans le moindre mélange de pitié, se lut sur sa figure ; mais Baraja fit un mouvement de surprise. Il venait de reconnaître le mystérieux personnage qu’il avait vu pendant le cours de cette journée pousser silencieusement son canot d’écorce le long du cours d’eau dans les Montagnes-Brumeuses.

El-Mestizo adressa la parole en anglais à Baraja qui ne le comprit pas, puis en français, puis enfin en espagnol. Alors Baraja poussa un cri de joie.

« Oh ! s’écria-t-il, si vous me sauvez, je vous donnerai autant d’or que vous en pourrez porter. »

Baraja avait prononcé ces mots avec un élan si persuasif, que l’étranger, l’Indien, pourrions-nous dire, car il paraissait plutôt appartenir à la race indienne qu’à la race blanche, en sembla vivement frappé. Sa sombre physionomie s’éclaira d’un reflet de joie cupide.

« Vrai ? dit-il, tandis que ses yeux étincelaient.

— Oh ! seigneur, continua Baraja en se tordant les mains, aussi vrai que je vais mourir ici dans un affreux supplice, si votre intervention ne peut me sauver. Écoutez, vous viendrez avez moi ; vous emmènerez dix, vingt, trente guerriers, si vous le voulez, et si demain aux premières lueurs du jour, je ne vous mets pas face à face avec le plus riche gîte d’or du monde, eh bien, vous