Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/112

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Montagnes-Brumeuses. Il décrivit avec son doigt une courbe qui signifiait sans doute qu’il fallait les franchir : puis, traçant de ses deux bras une espèce de cercle, pour représenter peut-être une vaste plaine, il montra les chevaux égorgés dans le camp et imita le galop des chevaux qui bondissent.

Néanmoins le chef indien hésitait encore, quand Baraja, dont l’œil dévorait les deux interlocuteurs, vit celui qui plaidait pour lui prendre une physionomie triste et pensive et murmurer quelques mots tout bas à l’oreille de l’Oiseau-Noir.

Malgré son stoïcisme, l’Indien ne put ni s’empêcher de tressaillir, ni réprimer un éclair de fureur qui jaillit de ses yeux comme des étincelles. Enfin El-Mestizo ajouta tout haut, afin que chacun l’entendît :

« Qu’est-ce que ce lièvre timide (et il montrait le captif tremblant), en comparaison de l’Indien au cœur fort, aux muscles d’acier que je vous livrerai ? Quand le soleil qui suivra celui de demain aura lui trois fois, Main-Rouge et Sang-Mêlé rejoindront l’Oiseau-Noir à l’endroit où le Gila se réunit à la rivière Rouge, près du lac aux Bisons. Là, les Apaches retrouveront, pour remplacer les leurs, les chevaux que les chasseurs blancs se seront donné la peine de prendre pour eux. C’est là aussi que celui qui… »

L’Oiseau-Noir interrompit l’étranger en laissant tomber sa main dans la sienne.

Le marché se trouvait conclu.

Alors ce dernier descendit lentement de l’éminence, lança sur les Indiens désappointés un regard ferme et assuré ; puis, tirant son couteau, il trancha les liens qui retenaient Baraja.

Sans écouter les actions de grâces pleines d’ivresse de l’aventurier, il le mena à l’écart, et d’un ton de hautaine menace :

« Ne vous jouez pas de ma crédulité, dit-il ; un compagnon m’attend là-bas (et il montrait les Collines-Som-