Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/115

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tandis qu’il prête l’oreille aux voix de la nature qui chantent autour de lui et dont il cherche à noter les harmonies, si tout à coup il voit briller dans un fourré les yeux sanglants d’une bête féroce, n’est pas plus rudement arraché à ses méditations que Bois-Rosé à ses rêves de bonheur.

L’avertissement de Diaz surprit le coureur des bois au milieu de ses projets d’avenir comme un triste présage que ses projets ne devaient jamais s’accomplir. Il garda le silence comme Fabian, comme Pepe, qui sifflait une marche guerrière.

Certes, les pressentiments du Canadien eussent été plus sombres encore, s’il est possible, et Pepe n’eût pas si cavalièrement accueilli la nouvelle d’un danger prochain, si Diaz eût pu leur dire que, parmi les ennemis qui s’avançaient, il y avait deux de ces terribles adversaires dont il venait d’être question.

Déjà, sans qu’ils l’eussent soupçonné, les deux forbans qui gardaient Baraja étaient venus mettre leur canot d’écorce à l’abri de toute recherche sous le canal souterrain qui conduisait du lac du val d’Or aux Montagnes-Brumeuses.

Ces deux pirates du désert étaient le père et le fils. Nous avons introduit le dernier sous le nom d’El-Mestizo. C’était ainsi que le désignaient les Mexicains et les Apaches. Les chasseurs d’origine française, soit du Canada, soit de la plaine du Mississipi, lui donnaient le nom de Sang-Mêlé, et les Américains celui de Half-Breed ; car telle était la renommée de cet homme, qu’elle avait parcouru les déserts fréquentés par toutes ces races diverses.

Quant au premier, qui, suivant le langage différent des aventuriers errants dans ces solitudes, était appelé Main-Rouge, Red-Hand et Mani-Sangriento, sa terrible renommée ne pouvait être effacée que par celle de son fils.

À un cœur sans pitié, à une implacable férocité, à une adresse diabolique, à un courage que rien n’intimidait, le