Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/116

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père et le fils joignaient l’avantage de parler couramment l’anglais, le français, l’espagnol et la plupart des dialectes indiens en usage sur les frontières.

La suite du récit fera, du reste, plus amplement connaître ces deux personnages, qui, tour à tour amis et ennemis des blancs et des Indiens, qu’ils faisaient servir à leurs passions sans frein, étaient, par suite des affiliations qu’ils avaient chez les deux races, aussi redoutés des Indiens que des blancs.

L’accueil quoique assez froid de l’Oiseau-Noir et de ses guerriers, la contenance hautaine du métis, et le sacrifice d’un prisonnier de guerre que le chef rouge lui avait fait, peuvent déjà donner quelque idée de l’influence occulte et puissante de cet homme sur les tribus indiennes.

« Eh bien, dit Pepe en cessant de siffler, tandis que ses deux compagnons ne perdaient pas de temps à donner la dernière main aux retranchements qu’ils avaient commencé de construire à la chute du jour, avais-je raison de soutenir que c’était une dangereuse fantaisie que celle de passer la nuit ici ? Nous voilà avec une fâcheuse affaire sur les bras.

– Bah ! répondit Fabian avec la mâle résignation qui avait succédé à ses incertitudes, notre vie ne doit-elle pas être une suite presque non interrompue de combats ? et nous battre ici ou ailleurs, qu’importe ?

– C’était bon pour Pepe et pour moi, dit tristement le Canadien ; mais à cause de vous, mon enfant, je voulais, sans renoncer à la vie du désert, renoncer à cette existence solitaire qui en double les dangers. Mon projet était de nous joindre aux voyageurs de ma nation qui naviguent sur les eaux supérieures du Missouri, ou de prendre du service parmi les trappeurs et les chasseurs montagnards de l’Orégon. Là, on est une centaine à la fois, et, quoique loin des villes, on n’a guère à craindre, pourvu qu’on serve sous un chef vigilant et capable,