Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/117

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comme il y en a tant dans les États de l’Ouest.

– Je crains, ajouta Pepe après un court silence de ses compagnons, que cet endroit ne soit moins bon pour s’y défendre convenablement que je ne l’avais cru d’abord. Du haut de cette crête d’où jaillit la cascade, on peut nous dominer à l’aise.

– La chute d’eau tombe du milieu des brouillards, et des coquins qui se trouveraient en embuscade à l’endroit d’où elle se précipite dans ce gouffre seraient invisibles pour nous comme nous le serions pour eux. Voyez, nous sommes ici même enveloppés d’une brume opaque ; le soleil la dissipera tout à l’heure ; mais il n’a pu dissiper celle qui couvre ces montagnes.

– C’est vrai, répliqua Pepe à l’objection du Canadien ; nous vienne une éclaircie de quelques minutes, et on tire sur nous comme sur une cible.

– Nous sommes à la merci de Dieu, dit Fabian.

– Oui, et à celle des Apaches, autrement dit des diables rouges. »

Les trois chasseurs ne purent se dissimuler que leur vie pouvait dépendre d’un souffle du vent qui écarterait un moment le panache de brouillard dont les hauteurs étaient couronnées ; mais, avec la possibilité d’une attaque imminente, ils ne pouvaient choisir d’autre endroit.

« Ah ! s’écria Pepe, j’ai une idée, et je vais… Chut ! je crois entendre marcher là-haut. »

Une pierre éboulée des hauteurs tomba au même instant dans le gouffre avec fracas.

« Les coquins y sont, c’est certain, dit le Canadien ; écoutons. »

La voix imposante de la cascade se faisait seule entendre au fond de l’abîme où elle s’engloutissait.

« Les démons sont sur les hauteurs et dans la plaine, dit Pepe ; mais j’ai besoin d’y descendre pour mettre mon idée à exécution. J’irai sous la protection de votre feu ; ainsi, attention. »