Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/118

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Le Canadien avait l’habitude de s’en rapporter implicitement au courage ainsi qu’à l’adresse tant de fois éprouvée de son compagnon de périls, et ne lui demanda nulle explication. Fabian et le Canadien mirent un genou en terre, l’arme en joue, et se tinrent prêts à faire feu au besoin.

L’Espagnol, sa carabine en travers sur ses genoux, se laissa glisser sur ses talons le long de la pente rapide de la colline et disparut un instant dans l’obscurité. Bois-Rosé et Fabian n’eurent qu’un moment d’inquiétude, et ils ne tardèrent pas à voir de nouveau le carabinier de retour au pied de la pyramide et la gravissant pour les rejoindre. Pepe tenait à la main l’épais zarape de laine qui servait de manteau à Cuchillo.

« Ah ! c’est une bonne idée, dit simplement Bois-Rosé, à qui l’intention de Pepe n’échappait pas.

– Oui, oui, derrière ce rempart de laine doublé de la couverture de don Fabian, je ne connais pas de fusil qui puisse nous atteindre. »

Les coins supérieurs des deux zarapes furent promptement attachés à la hauteur d’homme au tronc des sapins qui dominaient la plate-forme, et leurs plis épais et flottants présentèrent une barrière contre laquelle la balle d’une carabine devait infailliblement s’amortir.

« De ce côté, nous n’avons plus rien à craindre, dit Pepe en se frottant joyeusement les mains ; de celui-ci, les pierres plates que nous avons mises de champ nous protègent suffisamment. Nous pouvons donc attendre l’ennemi de pied ferme et entrer avec lui en pourparler, s’il le juge à propos. Ah ! mon Dieu ! je pourrais dès à présent vous développer tout leur plan d’attaque, ajouta l’Espagnol avec l’aplomb d’un grand capitaine qui devine à l’avance les mouvements stratégiques de l’ennemi qu’il va battre.

– Voyons donc, dit Fabian en souriant du sang-froid de l’ex-miquelet, qui venait de se coucher sur le dos à