Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/122

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savoir ce que c’est que la tendresse d’un père : car moi… moi… le vieux coureur des bois… pour conserver un appui à ma vieillesse… je voudrais pouvoir… Le lion de l’Atlas lui-même ne fuit-il pas avec son lionceau ? » acheva résolûment le chasseur sans chercher à cacher plus longtemps son héroïque faiblesse.

Fabian saisit la main de celui qui l’aimait plus que son honneur de vétéran blanchi sur le sentier de la guerre.

« Bois-Rosé, mon père, s’écria-t-il, ne vous ai-je pas dit que nous mourrions ensemble s’il le fallait ? mais Pepe et moi nous ferons comme il vous plaira.

– Hum ! dit Pepe, que l’émotion de Fabian et du Canadien gagnait à son tour, l’affaire… hum !… pourra s’arranger… hum ! De par tous les diables ! c’est dur… enfin… puisque, comme vous le dites, les lions de l’Atlas… Eh bien, caramba ! ils font là un triste métier, à moins qu’ils n’aient déchiré, avant de fuir, une demi-douzaine de chasseurs. Voyons, finissons-en, appelons cette vermine et capitulons. »

Et le carabinier, en disant ces mots, se leva droit sur la plate-forme avec cette rapidité de décision qui le caractérisait et faisait de lui un précieux compagnon de danger.

Bois-Rosé ne songeait pas à s’opposer à cette détermination soudaine, quand Fabian l’arrêta.

« Vous pouvez fuir ou capituler tous deux sans honte, c’est moi qui vous le dis, reprit le jeune homme ; en tout cas, pour qu’une capitulation soit plus honorable et plus facile, il faut qu’on vous l’offre d’abord. N’attendrons-nous pas qu’il soit jour pour voir à combien et à quelle sorte d’ennemis nous avons affaire ?

– À quelques bandits mexicains, à quelques rôdeurs indiens sans doute, qui seront tout aussi étonnés de nous avoir fait fuir que nous de fuir devant eux, dit Pepe d’un air de mépris ; mais les coquins sont bien longs, ce me semble, à faire leurs dispositions d’attaque. »