Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/124

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Quand le Canadien eut émis son avis, Pepe revint au poste d’observation qu’il avait quitté.

« Vous avez raison, dit-il en regardant de nouveau ; oui, je les vois à plat ventre. Ah ! si je m’écoutais… mais enfin, suffit, j’en suis toujours pour ce que j’ai dit, poursuivit l’Espagnol : c’est de Baraja qu’il faudra essayer de nous défaire le premier en cas d’hostilité.

– Il ne peut y en avoir, reprit le Canadien. Ce n’est pas à coup sûr à notre vie, mais au trésor qu’ils en veulent.

– Je ne dis pas non ; et cependant partout où il y a des Indiens, les blancs ont des ennemis plus altérés de sang que d’or. »

Comme néanmoins il était probable que Baraja, dont il ne s’expliquait pas trop bien l’alliance imprévue avec les Apaches, ne les avait déterminés à les attaquer que par l’appât du trésor, Bois-Rosé pensa que leur avidité trouverait son compte à une capitulation qui les en rendrait maîtres. L’honnête Canadien attendit donc assez tranquillement que leurs ennemis voulussent bien enfin manifester leur présence autrement que par des hurlements.

Il y eut alors un long moment de silence, pendant lequel Bois-Rosé arrivait par des transactions intérieures à étouffer les derniers murmures d’un honneur peut-être trop susceptible. Pepe, de son côté, essayait de rendre moins amère la concession qu’il faisait à son vieux compagnon, et Fabian regrettait presque l’absence d’un danger qui eût momentanément imposé silence aux voix orageuses qui grondaient dans son sein, à côté de la tombe de Mediana, et si loin de l’hacienda del Venado. Ces deux mots ne résumaient-ils pas toute sa vie ?

Nous profiterons de ce répit pour substituer la réalité des faits aux conjectures de Pepe, ou plutôt pour les confirmer en partie ; car sa pénétration lui avait dévoilé la vérité presque tout entière. Nous dirons aussi le motif