Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/142

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que c’est le nom sous lequel on m’a désigné ? demanda le Canadien d’une voix grave.

– Eh ! eh ! dit le brigand de l’Illinois avec un hideux sourire, nous nous sommes déjà vus, ce me semble, et, si j’ai bonne mémoire, le coureur des bois canadien n’eût pas conservé sa chevelure sans…

– Un coup de crosse de fusil que votre excellente mémoire doit rappeler à votre crâne, ajouta Pepe en venant prendre part à la conférence qui avait lieu en anglais.

– Ah ! c’est vous aussi ? reprit l’Américain.

– Comme vous voyez, répondit l’Espagnol avec un sang-froid que démentaient ses yeux brillants de haine.

– Celui que mes frères indiens appellent l’Oiseau-Moqueur ? » dit Sang-Mêlé.

Les prunelles de l’Espagnol, dont les passions ardentes et presque féroces bouillonnaient comme la vapeur qui va faire explosion, lancèrent un éclair vers le métis, et il ouvrait la bouche pour décocher un de ces traits devant lesquels les conférences pacifiques se convertissaient d’habitude en déclarations de guerre acharnée, lorsque Bois-Rosé le supplia de garder le silence.

Bois-Rosé sentait aussi s’évanouir rapidement sa patience, et le redoutable tueur d’Indiens que nous connaissons, désespérant de contenir longtemps le flot de haine qui l’envahissait, voulait conserver assez de calme pour écouter des propositions qu’il n’avait pas provoquées, au cas douteux où son sauvage point d’honneur lui permettrait de les accepter en faveur de Fabian.

« Je suis venu pour entendre des paroles de paix, et voilà que la langue de Main-Rouge et celle de Sang-Mêlé s’égarent loin du but, dit-il gravement.

– Ce ne sera pas long, reprit l’Américain. Parlez, Sang-Mêlé.

– Vous foulez sous vos pieds un riche trésor, dit le métis ; vous n’êtes que trois, nous sommes cinq fois plus nombreux que vous, et il nous faut ce trésor ! Voilà.