déjà sa carabine lançait un éclair semblable. Les trois détonations se confondirent presque en une seule, mais avec un résultat différent. Séparées de leurs attaches, que venaient de couper deux balles arrivées à la fois, les couvertures de laine s’affaissèrent sur la plate-forme, tandis que le plomb de Bois-Rosé, dirigé vers la lumière qui avait précédé le coup, avait atteint l’un des tireurs.
« Ah ! don Fabian, s’écria Pepe, quel superbe coup d’œil vous perdez là ! Il n’y a que ce diable de Bois-Rosé pour ménager des surprises semblables. »
Un Indien, précipité du sommet de la montagne, faisait de vains efforts pour se retenir aux pointes aiguës des rochers contre lesquels il se brisait dans sa chute, et, après avoir décrit d’effrayants écarts en tombant, son corps évita le gouffre de la cascade et vint s’enfoncer dans le lac, sous le tapis de verdure qui en couvrait la surface.
Au même moment, de petits cailloux détachés des flancs de la montagne glissaient lentement dans l’eau, comme s’ils eussent été les derniers grains de sable qui marquent l’heure fatale dans un sablier funéraire, ou bien la pelletée de terre qu’on jette sur la fosse qui ne doit plus rendre le corps qu’elle a reçu.
« Chacun une entaille de plus sur notre carabine : voilà deux coquins de moins, dit Pepe par manière d’oraison funèbre ; c’est un beau coup ! »
Mais Bois-Rosé songeait à toute autre chose qu’à graver un trophée de plus sur une crosse où la place menaçait de manquer bientôt.
Il pensait d’abord que les deux couvertures, en tombant, les laissaient découverts du côté de la cascade ; que les troncs des sapins ne les protégeaient plus si efficacement, et qu’il était impossible de songer à relever leur rempart abattu. Une circonstance dont il cherchait à tirer parti l’absorbait tout entier.
L’Indien, en tombant dans le lac, avait arraché dans